Nombres à compter et à raconter. Seuil, Paris 2014, ISBN : 978 2 1126640 8
Il y aurait comme une évidence de la réalité des nombres dits naturels grâce auxquels nous dénombrons notre quotidien. Stella Baruk nous montre au contraire combien les jeux de nombres font apparaître de conjonctions qui surprennent la pensée et la poussent du côté du magique et du mystique.
Les relations entre les nombres, leurs diviseurs communs, leur caractère premier ou pas, font apparaître des conjonctions saisissantes aussi liées à leur écriture qui, ayant emprunté d’abord aux alphabets, soutient des significations ésotériques. Dans l’Apocalypse l’évocation de « La bête » est liée à un nombre (666) dont l’origine remonte à une itération de termes grecs formant assonance.
De même que l’imprévisibilité du caractère premier des nombres, aussi les palindromes, ces nombres symétriques qui surgissent au gré des calculs, c’est leur génération mystérieuse et leur générativité qui alimente ces fantasmes. Ou bien encore le hasard qui permet d’interroger malgré lui le vouloir divin.
Mais les nombres sont aussi des outils pour penser des concepts comme le discret ou le continu. L’ensemble des entiers Naturels, dénombrable, est un ensemble discret, là où l’ensemble des réels oppose, lui, une continuité sans rupture qui le rend indénombrable, puisqu’en entre deux réels il en existe toujours un autre. Ceci nous amène à un des aspects de l’infini qui est celui du calcul des limites.
Les nombres nous ont permis de franchir cette étape de la pensée qui permet de distinguer le très grand de l’infini et dont les applications à la théorie des ensembles permet de saisir le caractère contre-intuitif des logiques liées à l’infini (par exemple l’ensemble infini des impairs est aussi grand que l’ensemble infini des nombres naturels eux-mêmes). Ces logiques, nous les fréquentons, parfois sans les remarquer, dans certains aspects de notre clinique.
Publié le 16 juillet 2015